Matériels et méthodes : l’étude porte sur un crâne déformé provenant d’Ancón au Pérou, inventorié au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris en 1889. L’étude est géographique, historique, macroscopique et tomodensitométrique. Résultats : situé sur la côte à 40 km au nord de Lima, la capitale du Pérou, le site d’Ancón est un site archéologique de la période lithique, et un lieu de sépulture depuis l’époque Chavín (1250 à 250 av. J.-Chr.). Dès l’époque Chavín, les peuples du Pérou ancien construisaient des centres cérémoniels dirigés par une élite théocratique, et déformaient le crâne des enfants dès les premiers jours de la vie, à l’aide de moyens de pression variés. La déformation du crâne d’Ancón est une déformation antéro-postérieure oblique, brachycéphale, bilobée et asymétrique, sans trépanation ni déformation dentaire associée. C’est une variante bilobée du type Huaura de déformation crânienne, qui est associé aux régions de Chancay-Ancón et Lima. L’étude tomodensitométrique des variations d’épaisseur de la voûte, avec amincissement en regard des zones de pression, a montré que la déformation était intentionnelle, et caractérisée par une pression fronto-pariéto-temporale bilatérale surtout antérieure et dégressive d’avant en arrière, associée à une pression frontale, occipitale, et sagittale médiane. En l’absence de contexte et de datation, l’ancienneté du crâne étudié ne peut pas être précisée au long d’une période de presque trois millénaires, jusqu’à la domination Inca et l’arrivée des Espagnols (1532). Le crâne pourrait appartenir à l’une ou l’autre des cultures successives du site d’Ancón : Chavín, Baňos de Boza o Miramar, Lima, Wari, et Chancay (1200 à 1470), dont les céramiques représentent la déformation bilobée. Le crâne est probablement celui d’une femme âgée de plus de 45 ans à son décès, de statut social élevé, faisant partie de l’élite magico-religieuse, politique et économique dirigeante. L’étude de l’endocrâne a permis d’observer la déformation des veines superficielles et des lobes du cerveau. Il existe des signes de parodonpathie chronique à un stade avancé. Un abcès d’origine dentaire pourrait avoir été la cause du décès. Conclusions et perspectives : en ce qui concerne la pratique des déformations crâniennes, la région d’Ancón-Chancay et de Lima paraît être remarquable à trois égards : par le grand nombre de crânes déformés, par le grand nombre de crânes bilobés, et par la proportion importante de femmes, dont on peut supposer qu’elles étaient nées de familles nobles, et destinées dès l’enfance à faire partie de l’élite théocratique. La reconstitution 3D de l’épaisseur de la voûte crânienne a permis pour la première fois à notre connaissance de caractériser ce type de déformation, et pourrait permettre de reconstituer l’appareil déformateur. Seule la reprise des exhumations programmées sur le site d’Ancón, dans le cadre d’un projet prospectif pluridisciplinaire, pourrait permettre de mieux préciser la proportion d’individus à crâne déformé, la proportion des crânes bilobés, et le sex ratio, dans chaque contexte historique et socio-culturel de ce type de déformation crânienne intentionnelle ; et, peut-être, de retrouver in situ l’appareil déformateur correspondant.
Étude anatomoradiologique d’un crâne déformé d’Ancón (Pérou)
A. Ricciardetto;
2015-01-01
Abstract
Matériels et méthodes : l’étude porte sur un crâne déformé provenant d’Ancón au Pérou, inventorié au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris en 1889. L’étude est géographique, historique, macroscopique et tomodensitométrique. Résultats : situé sur la côte à 40 km au nord de Lima, la capitale du Pérou, le site d’Ancón est un site archéologique de la période lithique, et un lieu de sépulture depuis l’époque Chavín (1250 à 250 av. J.-Chr.). Dès l’époque Chavín, les peuples du Pérou ancien construisaient des centres cérémoniels dirigés par une élite théocratique, et déformaient le crâne des enfants dès les premiers jours de la vie, à l’aide de moyens de pression variés. La déformation du crâne d’Ancón est une déformation antéro-postérieure oblique, brachycéphale, bilobée et asymétrique, sans trépanation ni déformation dentaire associée. C’est une variante bilobée du type Huaura de déformation crânienne, qui est associé aux régions de Chancay-Ancón et Lima. L’étude tomodensitométrique des variations d’épaisseur de la voûte, avec amincissement en regard des zones de pression, a montré que la déformation était intentionnelle, et caractérisée par une pression fronto-pariéto-temporale bilatérale surtout antérieure et dégressive d’avant en arrière, associée à une pression frontale, occipitale, et sagittale médiane. En l’absence de contexte et de datation, l’ancienneté du crâne étudié ne peut pas être précisée au long d’une période de presque trois millénaires, jusqu’à la domination Inca et l’arrivée des Espagnols (1532). Le crâne pourrait appartenir à l’une ou l’autre des cultures successives du site d’Ancón : Chavín, Baňos de Boza o Miramar, Lima, Wari, et Chancay (1200 à 1470), dont les céramiques représentent la déformation bilobée. Le crâne est probablement celui d’une femme âgée de plus de 45 ans à son décès, de statut social élevé, faisant partie de l’élite magico-religieuse, politique et économique dirigeante. L’étude de l’endocrâne a permis d’observer la déformation des veines superficielles et des lobes du cerveau. Il existe des signes de parodonpathie chronique à un stade avancé. Un abcès d’origine dentaire pourrait avoir été la cause du décès. Conclusions et perspectives : en ce qui concerne la pratique des déformations crâniennes, la région d’Ancón-Chancay et de Lima paraît être remarquable à trois égards : par le grand nombre de crânes déformés, par le grand nombre de crânes bilobés, et par la proportion importante de femmes, dont on peut supposer qu’elles étaient nées de familles nobles, et destinées dès l’enfance à faire partie de l’élite théocratique. La reconstitution 3D de l’épaisseur de la voûte crânienne a permis pour la première fois à notre connaissance de caractériser ce type de déformation, et pourrait permettre de reconstituer l’appareil déformateur. Seule la reprise des exhumations programmées sur le site d’Ancón, dans le cadre d’un projet prospectif pluridisciplinaire, pourrait permettre de mieux préciser la proportion d’individus à crâne déformé, la proportion des crânes bilobés, et le sex ratio, dans chaque contexte historique et socio-culturel de ce type de déformation crânienne intentionnelle ; et, peut-être, de retrouver in situ l’appareil déformateur correspondant.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.